Victor Klemperer (1881-1960), cousin du célèbre chef d’orchestre Otto Klemperer, fils de rabbin, converti au protestantisme, était professeur de romanistique à Dresde.
En 1934, il est destitué de ses fonctions en tant que juif et n’a plus le droit d’enseigner. Il reste à Dresde, avec sa femme Eva, elle-même protestante, pianiste, pendant toutes les années du nazisme.
Travailler, écrire, écrire au péril de sa vie, laisser une trace authentique de l’horreur, donner une voix à ceux qui ne sont plus, c’est sa lutte à lui, ce qu’il appelle ses « soldats de papier ».
Obstinément il poursuit sa tâche de chroniqueur et, sans même pouvoir disposer des pages écrites la veille, portées systématiquement par Eva chez une de leurs amies, note la persécution au jour le jour, dans ses moindres détails. Un document sans équivalent sur la vie quotidienne des juifs prisonniers de l’intérieur dans l’Allemagne du IIIe Reich.
« - Je veux porter témoignage.
- Tout ce que vous écrivez, on le sait déjà, et les grandes choses, […] vous ne les connaissez pas.
- Ce ne sont pas les grandes choses qui importent, mais la tyrannie au jour le jour que l’on va oublier. Mille piqûres de moustiques sont pires qu’un coup sur la tête. J’observe, je note les piqûres de moustique…
Un peu plus tard :
- J’ai lu quelque part que la peur de quelque chose est pire que la chose elle-même. Quelle angoisse, avant la perquisition ! Et quand la Gestapo est venue, j’étais froid et résolu.
Après, qu’est-ce que qu’on a bien mangé ! Toutes les bonnes choses que nous avions cachées et qu’ils n’ont pas trouvées…
- Vous voyez, voilà ce que je note. »
V.K.
« Ce journal est le témoignage d'un homme qui, tout enfermé qu'il soit dans la propagande et la désinformation ambiante, continue à rendre compte de son temps en glanant des rumeurs, des informations, d... » Lire plus