Comment disait-on le droit sur les mers à l’époque moderne ? Par quels dispositifs les pouvoirs politiques dotés d’une façade maritime tentaient-ils de faire respecter un pouvoir de « juridiction », entendu comme un « droit de dire le droit », sur un espace liquide particulier ? Ces questions sur la liberté, la communauté et l’empire des mers ont donné lieu à une grande controverse juridique livrée à l’échelle du globe. Une mer jalousée propose d’en faire l’histoire à partir de l’observatoire méditerranéen. De la mer Adriatique aux mers du Levant, du golfe du Lion aux littoraux nord-africains, l’enquête décline à différentes échelles, depuis les bureaux des juristes jusqu’aux ponts des navires, un large éventail de conceptions concurrentes des limites maritimes et des eaux « territoriales ». Ce faisant, l’ouvrage revient, au carrefour de l’histoire, du droit et de la philosophie, sur des notions juridiques cardinales de la pensée politique moderne, telles que la « propriété », l’« occupation », la « possession » et la « souveraineté ». Guillaume Calafat les inscrit dans une généalogie de longue durée embrassant l’histoire antique et médiévale, les textes du droit romain et leurs commentaires médiévaux, les lois byzantines comme la normativité musulmane. Une mer jalousée s’appuie ainsi sur une centaine de textes imprimés à propos de la domination des mers, en les croisant avec des libelles manuscrits, des atlas, des cartes, des traités, des gravures, afin de brosser le portrait d’une mer au statut disputé et incertain.
Guillaume Calafat est maître de conférences à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (Institut d’histoire moderne et contemporaine). Ses recherches portent sur la Méditerranée de l’époque moderne, et notamment sur les échanges marchands et maritimes entre Europe occidentale et monde ottoman.