Fréquemment décrite comme un rouage dans un système d’autorité ou dans un dispositif de reproduction sociale, la formation est souvent analysée comme un processus de conformation qui renvoie aux efforts entrepris pour produire un sentiment d’appartenance, une identité collective ou une vision du monde. Elle désigne la transmission de façons de faire ou de penser collectives, ainsi que l’acculturation aux techniques et savoirs militants. Dès le début du XXe siècle, Roberto Michels voyait dans la création d’« instituts d’éducation » destinés à former une élite de « fonctionnaires » une des sources de la tendance oligarchique des organisations ouvrières. De manière plus nette encore, l’institutionnalisation du community organizing aux États-Unis doit beaucoup à la constitution de formations dédiées dans les années 1970-1980.
Ce dossier aborde plutôt la formation comme un ensemble de pratiques conflictuelles et contradictoires. Les processus de formation sont façonnés par les luttes pour définir leurs formes et contenus légitimes. Ils sont aussi des cadres de mise en réflexivité du militantisme, et de discussion des pratiques et des engagements. Une double professionnalisation est à l’œuvre : celle de la formation et celle du militantisme lui-même par celle-ci. Celle-ci permet de saisir les transformations du militantisme dans la redéfinition de ses frontières avec les activités professionnelles.