Des premiers textes de Freud aux derniers de Lacan, la psychanalyse est adossée à une problématique religieuse qui sous-tend son histoire conceptuelle. Tout commence avec l’analogie notée par le psychanalyste viennois entre les activités compulsionnelles de la névrose obsessionnelle et le ritualisme typique de l’activité religieuse. S’attachant ensuite à dévoiler le rôle de la religion dans l’histoire, il la conçoit comme une illusion destinée à faire supporter à l’homme le poids de sa condition. Héritier des Lumières, il exprime une hostilité violente à l’égard de ce leurre qui doit, selon lui, disparaître avec le progrès de la raison.
Lacan quitte le jugement de la religion en extériorité et en généralité pour la considérer comme un idiome, doté d’une portée anthropogénétique. Dans ce cadre, la vérité n’a d’autre fondement que la parole : elle ne repose plus sur l’adéquation de l’énoncé avec le réel mais sur la rectitude de l’énonciation, soit la présence du locuteur à son désir d’être sujet. En privilégiant ainsi la dimension énonciative du langage, Lacan prend place, non pas seulement dans l’histoire de la psychanalyse, mais, bien au-delà, dans celle de la vérité et de sa saisie par la philosophie et la religion. C’est donc à une version inédite de l’anthropologie analytique qu’il parvient, mais aussi à une relecture du christianisme qui défait celui-ci de toute couleur religieuse, retrouvant par là quelques-unes des plus novatrices élaborations théologiques du XXe siècle.
Psychanalyste, Jean-Marie Donegani est professeur émérite des Universités et membre du Groupe lacanien d’études et de recherches cliniques.