Au XXe siècle, les « camps » où des États et des régimes politiques programmèrent l’anéantissement de l’homme ont révélé la « condition inhumaine ». L’histoire a pris le visage non plus du destin, mais de la terreur. D’où la question : avons-nous vu surgir ici la figure exceptionnelle du mal, du mal dans une violence et une horreur sans précédent ? Ou bien avons-nous affaire ici, comme l’affirme Hannah Arendt, à la banalité du mal, tout simplement ?
C’est de cette expression, dont le sens a été usé avant même d’avoir été compris, que part Myriam Revault d’Allonnes pour tenter d’approcher ce que l’homme peut faire à l’homme, c'est-à-dire la virtualité toujours présente du mal politique. Pour comprendre le présent de ce mal, il faut rouvrir le passé, remonter au mal radical selon Kant, revenir aussi au lien entre le tragique et la capacité d’institution politique chez Aristote, puis relire les Modernes : tels Hobbes et deux de ses grands commentateurs, Carl Schmitt et Leo Strauss. On trouvera dans cette lecture inédite, comme un fil conducteur, l’idée d’une humanité dénuée de toute prétention à l’innocence, d’une humanité rendue au mal de la liberté (de sa liberté) et donc à sa puissance d’agir.
Myriam Revault d’Allonnes est professeur émérite des universités à l’École pratique des hautes études. Elle a notamment publié aux Éditions du Seuil Le Pouvoir des commencements. Essai sur l’autorité (2006), L’Homme compassionnel (2008), Pourquoi nous n’aimons pas la démocratie (2010), La Crise sans fin. Essai sur l’expérience moderne du temps (2012), Le Miroir et la Scène. Ce que peut la représentation politique (2016) et La Faiblesse du vrai. Ce que la post-vérité fait à notre monde commun (2020). En 2019, elle reçoit le Prix spécial du jury du Prix du livre politique pour l’ensemble de son œuvre.