A chaque apparition je la reconnaissais ; «ni tout à fait la même ni tout à fait une autre», telle qu'en elle-même la récurrence de mon phantasme l'identifiait...
Ensuite, elles se seront échelonnées à intervalles irréguliers, pendant vingt ans et plus. La première, je m'en souviens, me bouleversa par une absurde impression de déjà vu. Elle eut lieu durant mon service militaire dans les E.O.R. de Nancy, la nuit qui suivit ma promotion d'aspirant. Après quoi je passai en revue les rencontres occasionnelles, amies de ma sœur et sœurs de mes amis - à commencer, sans délicatesse excessive, par celle de Michel, mon intime ami, Liénor qui m'aimait et pouvait se juger aimée - pour tenter d'identifier quel astre m'avait ébloui au point que j'aie cru ne pas le remarquer tandis qu'à la manière d'un phosphène il emplissait mes yeux pour y rayonner jusqu'au fond de mon cœur et de la nuit...
Or, je le savais, jamais, au grand jamais, le visage, l'air, l'aura que je reconnaissais à chaque apparition en rêve, je n'ai réussi, éveillé, à me les figurer... Quelle chance aurait eue ma mémoire visuelle de raviver une image onirique effacée par tant de jours et de nuits ? Le souvenir que j'en gardais était d'une fantasmagorie perdue...
- Je vous retrouve enfin !
Ces mots ont jailli de moi incontrôlés, voix détimbrée comme en rêve, rêve éveillé assumant la quête d'une ombre disparue que sa réapparition avérait de chair et de sang...