Depuis une dizaine d’années, un peu partout dans le monde, les sciences humaines et sociales font l’objet de disputes, de querelles, voire d’attaques. La concomitance de ces critiques témoigne de la mondialisation de ces sciences mais aussi, a contrario, d’une fermeture du monde (à l’opposé de la globalisation vantée au tournant du millénaire) et d’un retour de formes autoritaires du pouvoir politique.
Les critiques adressées aux SHS au nom de leur « utilité » s’inscrivent dans le contexte des réformes internationales de nature néolibérale, visant à intégrer les institutions universitaires dans un marché mondial unifié et concurrentiel du savoir. Cette intégration combine impératifs d’économies budgétaires, tendances à l’alignement de l’université sur le modèle de l’entreprise, et raidissement autoritaire sur le plan organisationnel.
Indépendamment de ces réformes qui les atteignent au même titre que les autres sciences, les SHS sont la cible d’attaques frontales spécifiques de nature politique (mises sous tutelle, voire répressions) dans les régimes autoritaires, les démocraties « illibérales », mais aussi les démocraties libérales. Contribution au débat international en cours, ce numéro de Communications dresse un bilan des critiques et des menaces visant les SHS dans un certain nombre de pays, en Europe, en Asie ou aux États-Unis. Il porte également sur l’épistémologie des SHS et propose enfin diverses réflexions et actions en faveur de la liberté académique et de l’autonomie institutionnelle, devenues des enjeux importants dans un contexte où il s’agit pour les SHS de reprendre prise sur les conditions de leur exercice, en réponse aux menaces auxquelles elles font face aujourd’hui.
Ce numéro a été dirigé par Nicole Lapierre, Évelyne Ribert et Philippe Roussin