On aime imaginer le Tibet, ce toit du monde, comme une dernière halte avant le ciel. On se plaît à le croire peuplé de paroles au bord du silence, d’hommes rieurs et savants, de vieux enfants divins gardiens des plus hauts mystères de la vie. C’est compter sans la joie féconde du peuple tibétain, et son enracinement dans les remuantes profondeurs de la terre. Au Tibet, qu’on se le dise, sont aussi des ogres, des démons et des femmes fatales, de pures jeunes filles et des héros paillards, de grands loups ahuris et des lièvres futés, des gens aux bouches bées et des conteurs vivaces.
« Ici, dit Patrick Carré, l’ironie perd violemment la raison. Alors même que les diables le ravagent sans pitié, l’homme demeure le plus redoutable des anges ravageurs. » La peur traverse les montagnes, mais à son terme vient le rire, qui sèche toutes les larmes, et, le rire épuisé, apparaît la lumière de rêves infiniment charnus et vigoureux. Poète, c’est à toi !
Je suis vêtu de fleurs célestes
Chaussé de plumes de tortue
Et de mon arc en corne de lièvre
Vise Ignorance-la-Démone.