Réfléchir sur la barbarie des temps modernes et la comparer à la barbarie des temps anciens, en tant que l’une et l’autre ont à voir avec le sacré, telle est l’ambition première de cet ouvrage.
Il s’agit de saisir l’implication des processus sacrificiels dans les violences politiques (et domestiques) majeures de notre temps. L’auteur met en parallèle les modalités des grands crimes politiques contemporains et la spécificité religieuse du sacrifice. Au mépris des interdits anthropologiques, il entend mettre en rapport la violence déchaînée et intrinsèquement destructrice des massacres de notre histoire avec cette autre violence – contrôlée, canalisée, domestiquée, ritualisée – qui préside, au sein du religieux, aux cérémonies sacrificielles.
Pour élaborer une critique de la pensée sacrificielle, il ne suffit pas d’analyser des rites qui comportent la destruction d’un être vivant, encore faut-il que cette analyse participe, d’une manière ou d’une autre, au démantèlement du processus. La meilleure façon de comprendre ce qu’est une cérémonie de sang, c’est de chercher à l’interrompre.
Il ne s’agit pas pour autant d’une attitude de moderniste sans mémoire. L’interruption de la destruction est au cœur de l’histoire des rituels. Les procédés de substitution symbolique – remplacer un être humain, adulte ou enfant, par un animal, puis par un végétal – montrent que la critique de la violence du sacrifice est aussi traditionnelle que le sacrifice lui-même.