Qu’était-ce, le cinéma au Maroc colonial des années cinquante ? Que voyait un enfant sur la toile blanche ? Qu’est ce qui s’inscrit dans la mémoire affective, sensuelle, sociale, familiale, à partir de quelques images, de quelques histoires et de l’atmosphère feutrée et excitée propre à l’enfance et propre au cinéma ? Jacques Laurans, poète et critique de cinéma, revient sur sa petite enfance pour comprendre comment s’est écrite en lui une histoire particulière du cinéma, où Laurel et Hardy côtoient Fellini et Marilyn, où les images bouleversantes de Tabou de Murnau se mêlent à celles du « plus beau western du monde », où Orson Welles est le compagnon de Jean Vigo. Futur cinéphile passionné, l’enfant entre dans le monde par la voie étroite de la salle obscure. Il se souvient de ses infimes sensations, de ses amitiés, de ses premières amours scellées par cette expérience renouvelée : aller au cinéma… Il distingue définitivement ses complices en sensibilité et en ferveur, et les « spectateurs impossibles », ceux qui n’entreront jamais dans le rêve.