«C'est là ma chance, je veux dire comme autobiographe, parce que je ne connais pas de pire machine à poncifs qu'une mère juive parlante, accent typique en option, une mère séfarade, ashkénaze, esquimaude ou ce que vous voudrez, une mère juive sonorisée avec déclarations emphatiques en yiddish, en judéo-arabe, en judéo-espagnol, en judéo-inuit, avec ses sha geignards et ses silences qui en disent long, une mère juive en version originale dont on ne se débarrasse pas à moins de plusieurs tomes de souvenirs dégouttants de sensiblerie, sans compter les blagues, toutes les bien bonnes, du genre de celles qu'Harry aimait à raconter, la mère juive sur la plage, la mère juive chez le psychanalyste, les deux mères juives au pôle Nord, quelle est la différence, à quoi reconnaît-on, c'est là ma chance, dis-je, car à ce sujet, vraiment, tout a déjà été tellement écrit, filmé, chanté, psalmodié, sur le mode poétique, pathétique ou parodique, puis réécrit, tourné en remake, remasterisé, mis sur console, digitalisé, plagié, photocopié, tellement tout et tellement davantage encore que plus d'un authentique fils juif en est venu à douter de la réalité réelle de sa mère, je ne parle même pas d'écrire un livre.»