«J'étais arrivée avec ma romance sous le bras, le bec enfariné, sûre d'éblouir Juliette par mon coup d'audace, l'annonce du bel amant. Et elle, l'air de rien, légèrement, sans y toucher, m'a coiffée au poteau ! Dans le train du retour, je me sens toute bête, un brin vexée, un brin amère. Et puis, très vite, la fascination l'emporte sur le dépit. Une eau dormante, disait François en se moquant. Il n'avait pas tort de ricaner. Juliette enferme en elle de glauques secrets, des abîmes. Je n'en reviens pas qu'elle existe, moi qui, sous prétexte de me construire une belle carapace (grâce à elle, je me prends pour la plus forte du monde), en ai oublié l'art de rêver. Où est passée la petite fille qui, soir après soir, s'endormait la main grande ouverte, persuadée qu'au matin une bonne fée aurait déposé, au creux de sa paume, une baguettemagique ? Je ne peux me rappeler à quel moment, cessant de croire aux fées bienveillantes, j'ai refermé le poing.»
Roman de mœurs aux traits acérés et cocasses, Double Dame par court allégrement les années 60 à 80, de la province normande à Paris, et retour. Il raconte vingt ans d'une amitié tissée de bonheurs et de désillusions entre deux femmes qui, chacune à sa manière, croquent la vie à longues dents. Et il lève un coin du voile sur les rapports troubles que toute femme - même si elle le nie - entretient avec l'argent.