Jamais les héros de l'Olympie moderne n'ont été si glorifiés. Mais jamais ils n'ont été si épuisés de courir après la performance, transformés en hommes-sandwichs de la publicité contemporaine. Pour répondre à ce paradoxe et comprendre la situation très actuelle du sport. Georges Vigarello mobilise la réflexion historienne en analysant le passage du «jeu» dans les sociétés d'Ancien Régime à l'invention du sport au XIXe siècle. De ce statut du jeu ancien à la fois pari et défi, volé aux temps sociaux de labeur et de culte, il ne reste presque plus rien quand il se métamorphose en compétitions institutionnalisées outre-Manche d'abord et, un peu plus tard, en France. Trouvant son autonomie, le sport engendre dès la fin du XIXe siècle une véritable contre-société calquant ses modèles méritocratiques et démocratiques sur ceux de notre société. Il se donne en miroir idéal. Il crée un mythe d'autant plus important que tendent à s'effacer par ailleurs transcendances et idéaux. Le sport «donne à croire». Il convient parfaitement aux exigences de l'image, du spectacle, de l'événement. Mais ses enjeux mêmes le soumettent à de nouvelles pressions : celles de l'argent, celles des médias. Ils favorisent dopage, trucages, malversations.
Ce qui conduit à penser sans doute d'autres rapports entre le sport et la puissance publique. Ce qui conduit aussi à une attention toute particulière aux pratiques naissantes aujourd'hui.