Je disais l'avenir. Celui des autres, bien sûr. Moi, Alex Galardine, cartomancien au noir, je n'avais devant moi que mon passé : Pauline m'avait quitté et mes cartes n'y avaient vu que du feu. Je vivais, au plus clair de l'été, dans l'ombre d'un café, rue de la Roquette, ou dans les coulisses du Cirque d'Hiver. Parfois, il me semblait saisir le fantôme de Pauline dans une photo grise du journal ou dans les bras d'une jeune écuyère qui, le croyais-je alors, pourrait la remplacer. Je ne savais comment tuer le temps ni me dérober au chagrin. Je m'absorbais dans des enquêtes absurdes, des contemplations minuscules : un chien qui disparaît, un ami mort qui revient en rêve, l'énigme d'une puce dressée qui s'échappe. Je voulus apprendre les derniers tours d'un illusionniste désabusé. Peine perdue. A la fin de mon apprentissage, c'est moi qui tombai dans le chapeau.