Peut-on écrire une histoire de l’enfance ? De celle-ci, il ne vous reste bien souvent que des lambeaux et nous ne pouvons croire sur parole ce qu’écrivent au soir de leur vie des mémorialistes enclins à enjoliver un passé lointain. Si la reconstruction de ce qu’on pu être des identités enfantines ne date que du début de ce siècle avec la naissance de la théorie psychanalytique, l’historien doit faire flèche de tout bois pour saisir un sujet qui échappe aux regards et n’a laissé que des traces fugitives. Le but de ce livre est de faire, plus de trente après le grand livre de Philippe Ariès, le bilan de nos connaissances. Aucune source n’a été négligée : si derrière les discours (philosophiques, pédagogiques, médicaux ou religieux, etc.) que les adultes tiennent sur les enfants, on peut tenter de lire la fonction qui leur est assignée et l’évolution des pratiques, on n’a as négligé les objets de l’enfance (jouets, livres pour enfants) ni l’iconographie (ainsi le message de la peinture hollandaise au XVIIe siècle) ni surtout les sources autobiographiques (journaux, correspondances) où l’enfant parle à la première personne.
De l’enfance des rois aux enfants des rues, des saints enfants aux enfants sorciers, des familles aux écoles ou aux hôpitaux d’enfants trouvés, du jeu au travail, des tableaux du Moyen Age aux films de Fellini, ce livre cherche à cerner les multiples visages qu’a pu prendre à chaque époque cet âge de la vie : attentif au lieux, aux segments sociaux et aux sexes, il tente de relier représentations et pratiques, discours, images et actes sans surimposer une interprétation anachronique.