Les aventures du cœur humain orientent plus d’un mythe et d’innombrables chefs-d’œuvre de la littérature ancienne et moderne. Organe central, microcosme à l’image de l’univers culturel qui le conçoit, le cœur suscite amour et violence, passions érotique et mystique, don de soi ou meurtre sanglant.
On retrouve ainsi, du Moyen Âge à la fin du XVIIe siècle, d’étranges histoires mêlant une cuisine de l’horrible à la dévotion amoureuse lorsque le mari jaloux tue l’amant de sa femme pour lui offrir son cœur en pâture.
A la rivalité entre époux peut se substituer la relation du père avec sa fille. Et dans cette cuisine macabre, le cœur peut s’associer au sexe de l’amant.
Au-delà des tensions de l’amour courtois, Milad Doueihi évoque l’image du cœur dévoré, lorsque Francis Bacon rappelle que « ceux qui n’ont point d’amis à qui s’ouvrir sont leur propre cœur des cannibales ». L’auteur montre aussi combien la théologie du Sacré Cœur a pu jouer un rôle déterminant dans les légendes de cœur mangé. Ou encore, comment ces histoires de consommation perverse peuvent s’éclairer par le mystère de l’Eucharistie – consommation magique du corps du Christ.
Pour les théologiens, le Christ demeure le cœur et le centre de l’histoire.
La découverte de la circulation du sang par Harvey, en 1628, et la physique cartésienne font perdre au cœur sa centralité symbolique au profit du cerveau. Inaugurant de nouvelles perspectives, Pascal ouvre alors au cœur les voies subtiles de l’intelligence intuitive, à l’articulation de la mystique et de la science.