C’est dans un cimetière bien réel, situé dans la banlieue de Moscou, que nous introduit le premier roman de Sergueï Kaledine.
Mais pour qui sait lire entre les lignes, le cimetière apparaît vite comme un microcosme. A l’instar de la société, il comporte sa bureaucratie hiérarchisée et ses réglementations, appliquées ici à une communauté de fossoyeurs, personnages falots, inquiétants sinistres, mus par les seuls soucis de l’argent et de la boisson, occupés à conclure de minables trafics avec les parents morts ou à creuser d’impossibles tombes dans le sol gelé. Une humanité au bord de la délinquance, où les problèmes se règlent à coups de poing, de couteau ou de hache ; où la mort règne autant dans le cœur des vivants que dans les tombes.
L’impassibilité, le détachement apparents avec lesquels Kaledine décrit ces êtres, la force avec laquelle il anime et fait revivre « ces bas-fonds », donnent à ce récit hyperréaliste et chargé de prolongements implicites une place à part dans la littérature soviétique d’aujourd’hui.