L'Apostat Luc Estang

Le romancier Edouard Maleste, connu comme «écrivain catholique», s'intéresse soudain, pour des raisons à lui-même assez obscures, à l'empereur Julien. Plus exactement, c'est l'évolution ayant conduit le neveu de Constantin à devenir, pour la postérité, Julien l'Apostat, qui intrigue Edouard Maleste.

Les historiens (et pour cause) et même les romanciers fascinés par un personnage hors du commun, se sont attachés beaucoup moins à cette lente et intime détermination - de la sixième année du réchappé d'un carnage dynastique, à la vingtième où il abjure en secret le Christ devant Mithra - qu'aux faits et gestes de la «vie publique» du César de Gaule (cinq années) et de l'Auguste «restaurateur du paganisme» (trois années seulement).

Edouard Maleste n'a pas entrepris une «biographie romancée». Cependant, tout en collant avec une rigueur scrupuleuse - d'aventure narquoise ou irritée - aux données historiques, il ne peut pas ne pas faire appel à l'imagination pour combler des vides entre ces données, pour comprendre et rendre plausible ce qu'il appellerait une «psychologie hypothétique».

Dès lors, comment éviterait-il, romancier, de se projeter en Julien ? D'autant que d'emblée la recherche l'entraîne à des rapprochements avec ses propres souvenirs et impressions - quand même il se surprend à les «romancer» eux aussi. Le quotidien s'en mêle, avec sa femme Madeleine, son ami Philippe Harnois, Rémy son filleul et un ami de celui-ci, Alexis - sous les auspices d'un autre romancier qui entretient avec Edouard Maleste des rapports non moins ambigus que ceux qu'Edouard Maleste entretient avec Julien.

De sorte que peu à peu le contrepoint s'affirme, que les événements du IVe siècle se réfléchissent dans l'actualité post-conciliaire et qu'Edouard Maleste doit regarder en face une réalité dont sa curiosité à l'égard de Julien l'Apostat aura été le prétexte révélateur.