Le très petit nombre des travaux consacrés à l’histoire de l’État français contraste singulièrement avec la vigueur des jugements qui s’expriment à son propos.
D’où le décalage : l’État comme problème politique, ou comme phénomène bureaucratique, est au cœur des passions partisanes et des débats philosophiques tout en restant une sorte de non-objet historique.
Ce quasi-vide, Pierre Rosanvallon a voulu commencer à le combler dans cet ouvrage, qui est à la fois bilan et programme. Bilan, il propose une première synthèse des travaux disponibles et offre une vaste bibliographie commentée. Programme, il dessine un nouveau cadre conceptuel pour comprendre l’histoire de l’État.
Rompant avec les approches étroitement quantitatives du poids de l’État et avec les catégories platement descriptives des “domaines d’intervention”, ce livre analyse de manière dynamique la façon dont se sont formées et développées les différentes figures du rapport État/société. Il appréhende ainsi successivement le Léviathan démocratique (l’État souverain constitué par la société), l’instituteur du social (l’État producteur de lien social et d’unité), l’État providence (l’État réducteur d’incertitudes) et le régulateur de l’économie (l’État keynésien), en réfléchissant en permanence sur les spécificités du cas français.