L'orgasme est-il soluble dans l'histoire ? Émotion individuelle quasi incommunicable mais aussi réalité culturelle, il appartient et tout à la fois échappe à l'expérience collective. L'histoire de l'orgasme est celle du corps caché, des désirs interdits, de la chair corsetée par les tabous et les morales.
Enfouis dans les tréfonds des archives et des bibliothèques, les documents concernant cette vie physique, parfois libertine, n'en sont pas moins extraordinairement abondants et d'une surprenante force d'évocation. Le livre de Robert Muchembled exhume des sources fascinantes qui invitent à regarder d'un oeil neuf un passé souvent figé par de vertueuses sélections, pour découvrir « l'envers du décor » et réaliser que la sublimation des pulsions érotiques, bien au-delà du simple ascétisme religieux, a sans doute été le moteur caché du dynamisme de l'Occident jusqu'aux années 1960.
En matière de volupté, Angleterre et France ont suivi des chemins parallèles et les États-Unis conservent la profonde empreinte de ce modèle répressif commun, récemment abandonné par l'Europe hédoniste au profit d'une sexualité plastique dont les femmes sont les principales bénéficiaires. Libérées par la pilule des dangers et des angoisses liées aux obligations de reproduction, elles peuvent désormais réclamer l'égalité avec les hommes et rechercher sans complexe ce plaisir qu'on dit charnel...