Pour beaucoup, la condition chrétienne est devenue indéchiffrable. Qui comprend encore ce qui peut distinguer un chrétien de tout homme bien né, soucieux de servir son prochain, de respecter les lois, de faire preuve de la tolérance la plus large, en un mot de vivre selon le bien ? L’être-chrétien semble comme dissous dans une culture et une éthique marquées par des références communes, à tel point que les différences s’estompent : tous semblables, tous enracinés sur un même tronc… Il se pourrait bien que ce tronc s’avère chrétien, mais plus d’un entend bien garder de fortes distances par rapport à cette origine.
Ce livre tente de montrer que l’éthique chrétienne se caractérise par la liberté des « enfants de Dieu », vivant de l’ « Esprit » du Christ. Les chrétiens sont « du monde », et Paul Valadier plaide vigoureusement pour qu’ils s’intéressent en tous domaines à la vie de la cité, pour qu’ils ne « fuient » pas le monde des hommes ni ne les méprisent (c’est une vieille tentation, très présente encore aujourd’hui chez les gens religieux, y compris non chrétiens). Mais avec la même liberté ils sachent pratiquer le recul, la distance, et parfois le refus, tant à l’égard des lois religieuses que des conformismes mondains.