Quel rapport y a-t-il entre la jouissance et la joie ?
Accéder à la joie, c'est «se réjouir intérieurement». La joie témoigne d'un bonheur partagé ; la manière dont elle se communique dans le don dit la vérité d'une présence intime, irréductible à un objet de jouissance au sens juridique (avoir l'usufruit d'un bien) ou sexuel (profiter de la possession par les sens).
Elle atteste la présence de l'Autre à l'intime de soi.
Il y a une jouissance manifeste et répétitive que tout psychanalyste rencontre : celle qui consiste à épuiser, en le niant, le désir - dans la recherche d'un rassasiement qui ne dure jamais. Avec elle, l'homme ne se sent vivre qu'en vivant contre la vie, dans une rivalité jalouse et exclusive. Dans une certaine manière de vouloir jouir jusqu'au bout, de s'éclater ou d'aimer à mort, la fine pointe de la jouissance se répercute en écho de dérision. Au cœur de la folie ou de la perversion, c'est l'intensité de la sensation qui se donne pour la Vérité ; celle-ci n'est plus ce qui parle, mais ce qui se sent.
Cette modalité jouissive du sensationnel exclut la parole et/ou le sens. Elle clôt la libido sur le même. Elle interdit au plaisir d'être la nécessaire médiation qui noue l'esprit et la chair dans une rencontre de sujets incarnés. Fermée à la parole, elle alimente la jouissance exclusive des sens. Elle enferme l'homme en lui-même, dans l'intensité d'un fantasme pris pour le réel et dont la répétition l'aliène.
Faute de vivre de l'altérité au cœur du même, le désir tourne en déris, et la parole en dérision.