La guerre des deux France met face à face, depuis la fin du xix e siècle, deux communautés imaginaires, celle des citoyens, rêvée par la Révolution française ou la Troisième République, et celle des croyants, unifiée par l’Église. Choc frontal majeur, d’autant plus que la mobilisation nationaliste cherche sans cesse, et souvent avec succès, à se faire le porte-parole d’un monde catholique qui se sent menacé dans ses valeurs identitaires par une République tournée vers le rationalisme et l’universalisme. Au cri de « La France aux Français ! », les nationalistes dénoncent en un même mouvement tant cette République considérée comme étrangère à l’âme française que ses alliés de toujours que sont à leurs yeux les protestants, les juifs, les franc-maçons et les « métèques » de toutes sortes, y compris, de nos jours, les musulmans. Du temps des ligues au mouvement lepéniste contemporain en passant par l’entre-deux-guerres ou Vichy, dans les villes comme dans les campagnes, éditorial ou roman-feuilleton, chanson ou tract, pure invective ou prétendue démonstration savante, les haines nationalistes martèlent sur divers registres leur refus de la République et leur rejet de l’Autre –celui qui partage d’autres valeurs –, transformé dans son propre pays en étranger inassimilable.
La présente édition est enrichie d’une postface portant sur les années 1995-2005.
Pierre Birnbaum est professeur émérite à l’université Paris I, membre de l’Institut universitaire de France et professeur associé à l’université Columbia.