Le capitalisme moderne est organisé comme une gigantesque société anonyme. A la base, trois cents millions d'actionnaires contrôlent la quasi-totalité de la capitalisation boursière mondiale. Souvent d'âge mûr, de formation supérieure, avec un niveau de revenus relativement élevé, ils confient la moitié de leurs avoirs financiers à quelques dizaines de milliers de gestionnaires pour compte de tiers dont le seul but est d'enrichir leurs mandants. Les techniques pour y parvenir s'appuient sur les règles du " gouvernement d'entreprise " et conduisent à des exigences de rentabilité excessives. Elles transforment les chefs d'entreprise en serviteurs zélés, voire en esclaves dorés des actionnaires, et polluent de pure cupidité la légitime volonté d'entreprendre. Ainsi le capitalisme n'est pas seulement le modèle unique d'organisation de la vie économique mondiale : il est devenu " total " au sens où il règne sans partage ni contre-pouvoir sur le monde et ses richesses.
Jean Peyrelevade a été directeur-adjoint du cabinet de Pierre Mauroy (1981-1983). il a ensuite présidé certaines des plus grandes institutions financières de notre pays (Suez, UAP, Crédit Lyonnais). Longtemps professeur d'économie à l'École polytechnique, il a écit plusieurs ouvrages sur l'évolution du capitalisme contemporain.