Trotsky eut deux fils. Les biographes connaissent l’histoire tragique de l’aîné, Léon Sedov, militant actif de la IVe Internationale, qui suivit son père dès le début de son exil, en 1929. Il fut assassiné par le NKVD en 1938 dans une clinique parisienne. Mais on ignorait le destin de Serge Sedov, le cadet, présenté par ses proches comme « apolitique », et resté en URSS malgré le départ forcé de son père et la traque lancée contre lui.
Comme le révèle ce livre, ce supposé apolitisme a permis de masquer longtemps la vérité. Car Serge Sedov, s’il préférait le football aux arcanes du parti bolchevik, fut bel et bien victime d’une machination de la police politique de Staline. Accusé d’avoir « empoisonné des ouvriers » et organisé des sabotages, il refusera d’endosser ces charges extravagantes et d’avouer la moindre culpabilité. Il échappera donc au procès public, au cours duquel les staliniens souhaitaient voir son nom traîné dans la boue, mais pas au jugement ni à la sentence : il sera fusillé le 29 octobre 1937. Il priva ainsi Staline d’une part de sa vengeance, mais Trotsky, lui, n’en sut jamais rien.
Grâce à des archives inédites, ce livre reconstitue pour la première fois les derniers mois d’une victime des grandes purges de la fin des années 1930, une victime tombée dans l’oubli, dont le seul crime fut d’avoir été le fils de son père.
De sa biographie de Staline (Seuil, 1967) jusqu’à son tout récent Lénine ou la révolution permanente (Payot, 2011), Jean-Jacques Marie est l’un des meilleurs spécialistes de l’histoire de l’URSS.