Le Moyen Âge fut peut-être l’âge d’or de cette diversité linguistique tant menacée de nos jours par la globalisation. Des langues héritières du passé, sacralisées par leur rôle de support des textes divins, y côtoyaient toutes sortes d’idiomes, aujourd’hui disparus ou marginalisés, comme à l’origine de nos modernités. Comment recréer ces paysages sonores où s’entrechoquaient des dizaines de cultures linguistiques, orales et écrites, guerrières et marchandes, globales et locales, populaires et savantes ?
Benoît Grévin aborde leur histoire dans une perspective anthropologique et comparative, par un aller-retour entre deux des grandes aires de civilisation qui conditionnent notre modernité : la chrétienté occidentale, dominée par la référence au latin impérial et papal, classique et biblique, sous l’égide duquel s’organise la multiplicité des cultures linguistiques romanes, germaniques, slaves, celtes, etc., et l’islam classique, où la centralité de l’arabe, coranique et poétique, scientifique ou dialectal, recouvre les histoires entrecroisées des cultures turques, iraniennes ou berbères…
De Londres à Samarkand, de la Sicile au Caire, Benoît Grévin nous entraîne bien au-delà de la présentation traditionnelle de ces cultures linguistiques, à travers l’étude de la pensée médiévale du langage, pour nous initier aux mécanismes de transmission des cultures textuelles, ainsi qu’aux procédures de rédaction des grands textes politiques, religieux ou littéraires, de part et d’autre de la Méditerranée. Il se donne ainsi les moyens de retrouver, derrière leurs différences, les caractéristiques communes à ces deux Babel médiévales.
Ancien élève de l’ENS d’Ulm-Sèvres, ancien membre de l’École française de Rome, Benoît Grévin est actuellement chargé de recherche en histoire médiévale au CNRS