« J’étais devenu fou, je le savais et j’aimais ma folie. Le l’aimais d’un amour noir, féroce et accroché solide, d’une soif de loup qui boit son sang et le goûte avec délice, à la fois pour survivre et pour contenter un orgueil malade, triomphant, éperdu. Je l’aimais comme Alma, Fatima et Claire chérissaient sombrement les herbes amères bouillonnant dans leurs chaudrons, comme Vianney qui me valait et me battait pour trouver ma tendresse, comme Rémi sa musique… Je l’aimais d’une passion qui me déchirait et m’effaçait à la fois, qui prenait ma place, parlait pour moi. Et je me nourrissais de son savoureux poison, comme un ogre d’une chair d’enfant au goût de lait et d’innocence. »
Dans un pays hanté par l’oubli, Aubert, mangé par le même mal, raconte sa vie de chassé paradis. Poète tour à tour égaré chez les bêtes et les hommes, il traverse ce siècle, le cœur dans la bouche et du sang sur les mains, convaincu qu’un accomplissement est possible « au milieu des arbres brûlés » et, s’il caresse la folie de la main qui ne tient pas le crayon, c’est qu’il n’a de cesse d’allumer les âmes de ses pareils si lointains, « ces oublieurs remplis de grelots et d’espérance ».
Un roman empreint d’une grandeur naïve, légendaire et souvent faunesque. Un mélange fascinant où l’on retrouve le lyrisme d’un Giono, les facettes obscures d’un Genet, la truculence d’un Ferron.