Les aventures de Jacques-Paul Migne relèvent autant du feuilleton judiciaire que de l’histoire de l’Église de France.
Nous sommes à Paris, dans les années 1840. En ces temps de révolution industrielle et de croissance économique, on assiste à la naissance du Bon Marché, des magasins de nouveautés, et aux développements de l’imprimerie, de la presse et de la publicité.
Dans ce contexte de production de masse d’objets standardisés, vendus aux prix le plus bas au plus grand nombre, l’abbé Migne n’a qu’un seul rêve : créer un « Palais de l’industrie catholique », populariser le patrimoine de l’Église pour endiguer les effets redoutables de la Révolution en imprimant les écrits des « bons Pères à bon marché ».
Pour donner libre cours à sa vocation, rien ne lui est interdit : faillites frauduleuses, pots-de-vin, pillages des éditions existantes. Se prenant pour l’éditeur de la vérité éternelle de l’Église, ce plagiaire de Dieu, qui affronte les autorités épiscopales, est poursuivi par les tribunaux.
Aussi naïf qu’avide de gloire et de succès, le petit prêtre auvergnat devint ainsi son propre agent publicitaire (le « Napoléon du prospectus »), grand patron de presse – il dirigea une dizaine de journaux – et finalement capitaine d’industrie à la tête d’une des plus importantes entreprises éditoriales du XIXe siècle : les Ateliers catholiques, avec ses quelque six cent ouvriers fondeurs, typographes, imprimeurs, lecteurs d’épreuves, relieurs, comptables et coursiers.
De ce Rastignac en soutane, R. Howard Bloch fait plus que nous conter la fabuleuse ascension. A la manière rigoureuse d’une enquête policière, l’historien américain restitue, à l’aide des archives, une époque et un milieu. Il analyse la corruption de la presse, de l’édition et leur collusion avec le monde de la publicité qui prend son essor sous la monarchie de Juillet.
Si la vie de l’abbé Migne paraît si romanesque, c’est sans doute parce qu’elle puise ses motifs aux mêmes sources que les grandes figures de l’épopée balzacienne.