Comment éliminer la mouche qui empêche son ami le jardinier de dormir ? C’est la question que se pose le protagoniste de la fable de La Fontaine « L’Ours et l’Amateur des jardins ». L’animal répond : en écrasant l’insecte au moyen d’un pavé. Et le poète de qualifier l’Ours de mauvais raisonneur.
Afin de mesurer la portée philosophique de cette leçon, il faut identifier le défaut du raisonnement de l’Ours ; et, pour cela, développer un concept de raison pratique qui échappe à l’alternative ruineuse d’une raison instrumentale, simple puissance de calcul au service de nos volontés arbitraires, et d’une raison pure qui n’aurait pas à tenir compte des fins humaines. L’Ours de la fable n’agit pas sans raisonner, pas plus qu’il ne manque de principes ; il agit selon une rationalité unilatérale, sur la base d’une définition incomplète des buts à atteindre par son intervention.
Se dessine alors une troisième voie, qui consiste à concevoir la raison pratique comme une capacité à déterminer l’action à accomplir par le truchement d’une délibération pondérée. C’est cette troisième voie que veulent explorer les essais qui composent ce volume. Ils sont répartis en quatre sections : philosophie de l’histoire, philosophie politique, philosophie juridique, philosophie morale.
Vincent Descombes est directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales. Il a notamment publié Philosophie par gros temps (Minuit, 1989), Les Institutions du sens (Minuit, 1996), Le Complément de sujet (Gallimard, 2004).