En février 1637, quelques semaines après les premières représentations du Cid, Corneille s'enflamme : le génie est libre, dit-il, «il veut pour se produire avoir la clé des champs». La querelle du Cid est lancée : comment un auteur peut-il revendiquer sa propre gloire ? Par quel tour de force ose-t-il s'affranchir de la tutelle royale ? Étape décisive dans la naissance de la propriété littéraire dont on retrace ici la lente maturation de l'Antiquité à la Révolution française.
Car avant que la propriété d'une oeuvre de l'esprit ne s'impose avec la même évidence que celle d'un champ ou d'une maison, il a fallu quelques mémorables batailles de libraires, plusieurs révolutions philosophiques, juridiques, voire esthétiques, et la constitution d'un marché du livre. De la naissance des cercles de lecteurs à l'ère des privilèges, de l'époque des mécènes tout-puissants à celle du public souverain, de l'émergence de l'individu à l'avènement de l'auteur-citoyen, l'itinéraire qui mène au sacre de l'auteur est aussi l'occasion de rencontres inattendues : on y croise Sénèque, Locke, Diderot, Condorcet, Kant, Siéyès et... les petites-filles de La Fontaine qui revendiquent leurs droits sur les Fables.
Le sacre de l'auteur ou comment l'auteur conquit sa souveraineté en se libérant de l'emprise des princes et de l'Église.