Le symptôme freudien est un savoir, et qui pourrait parler. Mais il y faut la croyance, dit Lacan. Sur quoi porte-t-elle ? Sur le sens qu’il recèlerait, et qui serait à déchiffrer. Pourtant, le symptôme est aussi ce qu’il y a de plus réel dans la cure analytique : il résiste, on s’y cogne, on n’en peut mais, une répétition inexorable le soutient, le sujet sans cesse en souffre et en jouit. D’où la question récurrente dans le dernier enseignement de Lacan : puisqu’il y a du sens dans la jouissance, se pourrait-il qu’il y ait du sens dans le réel ? – alors que la « notion » même du réel exclut le sens.
C’est une mise en question des fondements mêmes de la psychanalyse – bien plus radicale, bien plus méchante et pertinente, que les critiques éventées, édentées, qui ne lui ont jamais manqué.
Que Freud ait été un charlatan, il n’y a que des imbéciles pour le croire, que des négationnistes pour le dire. La vraie question n’est pas qui parle et qui ment, voilà à quoi nous avons à faire dans l’analyse. Comment le penser ? Comment s’en débrouiller ?
Les post-modernes avaient cru se débarrasser du réel dans le même temps qu’ils déprécieraient la vérité (« il n’y a que des interprétations »). Ils ont en définitive nourri le nouveau bon sens, sceptique et technicien. L’heure est aux sagesses – orientales, libérales – et aux Lifestyle Drugs– prozac, Viagra. La voie lacanienne n’a rien à voir avec ses idéaux d’anesthésie. Elle discrimine entre le semblant et le réel. Elle élabore le réel spécial qui est celui de la clinique : « l’impossible à supporter ».
Jacques-Alain Miller