L'urgence procède de l'Histoire, d'une sorte de fin d'Histoire, celle de l'Europe dont on va redécouvrir ici ce que l'auteur appelle "le grand corps mort, ouvert et séparé". Quant à l'universel, il court tout au long de cette histoire d'amour très peu dite, très peu montrée, dans le regard surtout qu'elle et lui portent sur toutes les choses, les quelques personnes qu'ils rencontrent, les villes traversées, les autoroutes fouettées par le vent, surtout l'immensité des espaces, comme si le fil ténu de leur conversation pouvait tenir lieu d'horizon.
Ils partent toujours d'ouest en est, pour buter en fin de course, en pleine campagne, dans les villes ou sur les bords d'un fleuve, "là-bas'; comme dit l'auteur, "du côté du mur, des barbelés, des miradors". Au cours des cinq voyages relatés, le premier remontant à l'année 1978, à Rome ou à Hambourg, à Vérone, Berlin, Munich, à Amsterdam ou à Copenhague, "dans les haltes, les départs, les fuites, dans les longs moments suspendus de l'ennui", sous l'accumulation pourrie mais encore séduisante de l'Histoire, ils s'éprouvent avant tout comme touristes d'un désastre et d'une dislocation, ils se voient comme désemparés et de peu d'identité.