Pourquoi avoir déchiffré, puis publié ces cahiers de travail de Monsieur Ouine ? Parce qu’ils constituent une incitation rarement offerte avec cette objectivité, à ressaisir le mouvement d’invention romanesque d’un grand écrivain dans une de ces œuvres majeures.
Devançant ce qui devient aujourd’hui plus précisément notre tâche, Bernanos écrivait jadis à Claude-Edmonde Magny à propos de Monsieur Ouine : « Vous m’avez fait comprendre qu’une œuvre de critique peut être une création véritable. Je suis un romancier, c'est-à-dire un homme qui vit ses rêves ou les revit sans le savoir. Je n’ai donc pas d’intentions, au sens qu’on donne généralement à ce mot. Mais vous me rendez intelligible ce monde où j’ai avancé jadis, de page en page, dans les ténèbres, guidé par une espèce d’instinct analogue à celui de l’orientation des oiseaux, peut-être. Vous éclairez ce monde, vous le pénétrez de lumière, je le vois, je le reconnais, je découvre le chemin que j’ai fait jadis à tâtons. »
Aussi bien ce recueil n’est-il pas simplement composé de documents matériels, si impressionnants soient-ils, sur une œuvre du passé. Il n’atteindra son objet que s’il permet dans l’avenir de donner au roman de Bernanos une incessante actualité par le fait d’une intelligence plus amicale et plus lucide.
D. P.