Bouts de scènes, instants suspendus, brefs épisodes : c’est ainsi que se présentent la plupart de nos souvenirs, et c’est ainsi que Tania, ici narratrice, choisit de restituer les siens.
Pas question donc pour elle de se raconter, et pas davantage de se « chanter ». Au contraire, pour donner une chance au détail, pour découvrir l’essentiel sous l’infime, il lui faut une parole précise, minutieuse et – paradoxe de l’émotion – comme détachée…
La mémoire aussi pourtant a ses paradoxes, ménage de surprises : peu à peu, de fragments en fragments (depuis les premières fièvres de l’enfance jusqu’à la mort du père en passant par l’anorexie), reviennent des hantises, se nouent des motifs (le corps, la maladie, les mots), apparaît une perspective…
Qui sait ? Et si, par bonheur, le « moi » se tenait là, dans cette simple (et provisoire) perspective ?