Claude Burgelin livre une analyse surprenante de la relation que certains auteurs entretiennent avec leur nom propre. Si tant d’écrivains sont à l’aise avec leur patronyme, d’autres, souvent célèbres, se sentent « mal nommés » : ils sont sous l’emprise d’un trouble mal dicible, un tourment, un ressentiment, une inquiétude autour d’un nom devenu question.
Qui se cache sous les noms de Labrunie, Kostrowitsky, Destouches, Grindel, Bobovnikoff, de Crayencour, Donnadieu, Kacew, Joyaux, Thomas ou Alexis Mital etc. ? On reconnaît plus aisément : Nerval, Apollinaire, Céline, Éluard, Bove, Yourcenar, Duras, Gary, Sollers, Houellebecq ou Camille de Toledo… La renaissance « par le nom » peut coïncider avec l’instant premier de la création littéraire au risque d’une affirmation de soi comme « pseudo » – ce qui n’est parfois pas sans danger.
Par l’invention d’un pseudonyme, acte d’une création de soi comme auteur, c’est aussi le nom du père qui se trouve mis à distance.
Analysant la relation entre le nom propre de l’écrivain et ses écrits, Claude Burgelin formule une hypothèse rarement explorée : la relation complexe au père, aux aïeux, aux « siens », l’angoisse qui peut en résulter, ont été pour certains auteurs un des ressorts secrets de leur oeuvre.
Claude Burgelin, professeur émérite de littérature contemporaine à l’université Lyon-2, a publié notamment Georges Perec (Seuil, « Les Contemporains », 1988, rééd. 2002) et Les Parties de dominos chez Monsieur Lefèvre. Perec avec Freud, Perec contre Freud (Circé, 1996). Il a aussi préfacé Le Condottière de Georges Perec dans « La Librairie du XXIe siècle » (2012).