Il est courant de comparer les arts du point de vue de la forme. Bernard Sève fait le pari inverse : il compare les arts du point de vue des matériaux qu’ils mettent en œuvre. Rien n’est plus concret que les matériaux, rien n’est plus invisible. On voit le tableau sans penser aux pigments. Ces matériaux sont matériels (argile, bronze) ou immatériels (thème musical, scénario dramatique) ; tous commandent une séquence conceptuelle rigoureuse : outils et techniques, pratiques corporelles, coopérations et collaborations, fragilités et restauration, usages seconds.
Prenant en compte une centaine d’arts différents, le livre propose des rapprochements étonnants. Il ne se contente pas d’élargir considérablement les manières de comparer les arts, il propose une conceptualité neuve. Écartant la question classique « comment distinguer l’art du non-art ? », il développe la notion d’artisticité. Ce concept beaucoup plus fécond repose sur l’idée qu’il n’y a pas de césure mais une continuité entre art et non-art. L’art se décline par degrés.
La conception que nous nous faisons des arts et de la logique de leur développement historique en est profondément modifiée. C’est le foisonnement des pratiques artistiques qui permet — si on comprend qu’il est une condition d’intelligibilité et non un problème — de s’approcher au plus près de ce qu’il peut y avoir d’artistique dans tout geste technique.
Bernard Sève est professeur émérite d’esthétique et philosophie de l’art à l’Université de Lille. Outre différents travaux sur la pensée de Montaigne (Montaigne, des règles pour l’esprit, PUF, 2007), il a notamment publié L’Altération musicale (Seuil, 2002), De haut en bas : philosophie des listes (Seuil, 2010) et L’Instrument de musique (Seuil, 2013).
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SOMMAIRE
Introduction
CHAPITRE I MATÉRIAUX
I. Matière, médium, matériau
II. Hegel et la progressive dématérialisation des matériaux de l’art
III. Des oeuvres dépourvues de matériau ?
IV. Plasticité et résistance
V. Une interminable liste de matériaux
VI. Matériaux trouvés, matériaux produits, oeuvres réaffectées
VII. Matériaux licites et matériaux illicites
VIII. Synthèses de l’hétérogène
CHAPITRE II TECHNIQUES
I. Masse, couches et montage
II. Problèmes artistiques et règles de l’art
III. Techniques du corps, techniques du langage, techniques des artefacts
IV. Les outillages
V. Jonglage, orgue, rhétorique et électricité
VI. Combinaison de techniques artistiques hétérogènes
CHAPITRE III LE CORPS ARTISTE
I. Le corps humain comme support, comme oeuvre et comme matériau
II. Problèmes éthiques
III. Dépasser le refoulement des handicaps physiques dans la pensée de l’art
IV. Le corps de l’artiste et ses gestes
V. Vers un corps collectif
CHAPITRE IV COLLABORATIONS ET COOPÉRATIONS
I. Artefacts et division du travail social
II. La coopération n’est pas la collaboration
III. Coopérations structurelles
IV. Coopérations libres
V. Coopérations unilatérales et contraintes
VI. Improvisations collectives, coopération et compétition
VII. Des coopérateurs paradoxaux : le commanditaire, le producteur, le censeur
VIII. Puzzle et conversation
IX. Quelques remarques sur les structures intellectuelles et sociales de la coopération
CHAPITRE V PRÉSENTATION, CONSERVATION, RESTAURATION
I. Présentation
II. Fragilités des oeuvres et des performances
III. Conservations, restaurations
CHAPITRE VI QUAND LES OEUVRES D’ART VIVENT DANS DES OEUVRES SECONDES
I. Inventaire des principaux usages seconds
II. Cinq critères de comparaison des usages seconds
III. Usages seconds par dérivation et usages seconds par insertion
IV. Citations, remplois, plagiats
V. Trois questions sur les usages seconds
VI. Vies secondes des oeuvres d’art
Conclusion générale
Bibliographie
Index artium
Index nominum
Index rerum