Les Lettres à Merline, écrites en français pour la plupart, ont été choisies dans la correspondance que Rilke a entretenue avec la destinataire à partir d’août 1919 et jusqu’à sa mort (décembre 1926).
Le choix que nous publions ici reproduit les débuts de sa relation avec Merline jusqu’au lendemain de l’achèvement des Elégies (février 1922). Il coïncide avec la dernière période, au cours de laquelle cette œuvre capitale surgit en lui, après de longues années d’interruption, avec la violence d’un « ouragan » et le porte au sommet de sa plénitude.
En effet, après l’élan de 1912, le souffle s’était tari jusqu’au lendemain de la grande guerre. Survient la rencontre avec Merline, créant une situation ambiguë. L’état passionné où elle le jette va-t-il contrarier la passivité qu’il recherche, et l’aventure le soustraire aux « influences » qu’il attend, ou bien serait-ce précisément par cette rencontre que ces influences recommencent à se manifester ?
Pourtant il parvient à faire participer l’amie à l’expérience qui se développe, à l’associer à la recherche de cette solitude nécessaire ; car c’est au château de Muzot qu’avec une violence presque destructive les « influences » donneront l’assaut final qui emportera la décision victorieuse : les Elégies de Duino.