Née en 1880, issue de la riche bourgeoisie juive vénitienne, dotée d’une intelligence brillante et d’une vaste culture, Margherita Sarfatti se senttrès tôt attirée par les idées socialistes. À 18 ans, elle épouse un avocat, ami de D’Annunzio et bientôt conseiller du Parti socialiste. Elle devient critique d’art et fait de sonsalon, ouvert aux intellectuels et aux tonitruants futuristes, aux industriels et aux banquiers, aux écrivains et aux diplomates, le plus en vogue de Milan. En 1912, le couple découvre un jeune tribun socialiste, Benito Mussolini, bientôt exclu du parti en raison de ses positions bellicistes, et l’aide à créer un quotidien dont Margherita se fait à la fois la donatrice et la collaboratrice.
Une passion amoureuse naît alors.
Par sa fortune, ses écrits, ses réseaux, son sens politique, elle va soutenir l’ascension du Duce jusqu’à la Marche sur Rome et l’instauration du nouveau régime. Sans occuper aucune fonction officielle, elle se fera le chantre du fascisme. Devenue
mentor des arts et des lettres, elle rassemble les artistes majeurs de son temps autour d’un mouvement inscrit dans le vaste retour au classicisme que connut l’Europe dans les
années 1920 et 1930, qu’elle appelle Novecento italiano et dont elle va faire l’emblème culturel de la « révolution fasciste ».
En 1932, Mussolini l’écarte de sa vie privée, mais Margherita Sarfatti reste sa conseillère jusqu’à son rapprochement avec Hitler, qu’elle rejette. Bientôt victime des lois antijuives, elle fuit l’Italie en 1938. Son retour rocambolesque n’est pas le moindre épisode d’une vie fascinante, contradictoire, à égale distance du jour et de la nuit.
Traductrice de l’italien, Françoise Liffran s’est immergée pendant plus de dix ans dans cette ample et éblouissante biographie, qui jette sur ces années noires de nouvelles et passionnantes lumières.