«Quelle complicité profonde, structurelle, lie donc notre société à ce jeune assassin pour lui assurer cette sorte d'impunité?
À vrai dire, il faudrait remplacer «assassin» par «crime».»
Maria Antoniella Macciocchi
Les conditions dans lesquelles se déroula le procès de Pino Pelosi, accusé d'avoir assassiné Pier Paolo Pasolini dans la nuit du 1er au 2 novembre 1975, n'ont satisfait ni les amis ni les ennemis du poète. Marco Tullio Ciordana réouvre l'enquête, en analysant non seulement les faits mais l'interprétation juridique qui en fut proposée. Cette enquête donna lieu à un film, sorti en 1995, et à cet essai qui constitue un élément essentiel à la connaissance de l'auteur de Théorème et de l'Évangile selon saint Matthieu. C'est le livre d'un homme engagé, d'une autre génération que Pasolini (la génération des contestataires de 68), qui demande des comptes à la société et à la justice de son pays. On peut dire que diffamations, procès, prise en compte des affabulations les plus extravagantes, avaient composé en quelque sorte autour du poète et cinéaste un «permis de tuer». Une fois le lynchage accompli, une instruction bâclée, la reprise en main du procès par les cours d'appel et de cassation, après un jugement de première instance qui aurait dû entraîner un supplément d'enquête, ont fermé la porte à toute véritable investigation. Justice n'a pas été faite. Trente ans après ce meurtre. Pino Pelosi, qui a purgé sa peine, revient au-devant de la scène en clamant, pour la première fois, son innocence et en reconnaissant avoir menti durant le procès.