À la faveur d’une tournée de lectures en RDA en compagnie de sa femme Ute, peu avant la chute du Mur, Günter Grass découvre dans le chœur de la cathédrale de Naumbourg l’un des chefs-d’œuvre de la statuaire gothique allemande : les sculptures des douze fondateurs. Parmi eux, la fascinante margravine Uta, exemple de beauté féminine médiévale déjà célébrée par André Malraux et Umberto Eco, émeut d’emblée le visiteur par sa gracieuse sérénité et son intemporalité. Il rêve de les convier à sa table « sur le papier », elle et les siens – ou à défaut leurs modèles. Une habitude chez lui : dans Une rencontre en Westphalie, le gratin des lettres baroques débattait autour de quelques victuailles des manières de faire la paix.
Ce récit, véritable bijou de littérature, est un régal. Initialement conçu comme un chapitre de Pelures d’oignon et exhumé il y a peu, il est accompagné de lithographies qui reflètent, dix ans après sa mort, la double virtuosité littéraire et artistique du grand auteur allemand. Finesse et érudition, verve et gravité, c’est à ce savant mélange que tient le charme irrésistible de ce texte.
Né en 1927 à Dantzig, Günter Grass étudie la peinture et la sculpture avant de se tourner vers la littérature. En 1959, Le Tambour, traduit dans le monde entier, lui assure une fulgurante renommée. Suivront une vingtaine de romans, récits et essais. Günter Grass a reçu le prix Nobel de littérature en 1999. Il est décédé en 2015.
Traduit de l’allemand par Olivier Mannoni