Espérer, c’est s’avancer vers une réalité encore invisible, une réalité qui jamais ne s’ajuste aux représentations qu’on s’en donne. Est-ce là une passion condamnable, comme l’estiment certains philosophes, soucieux de faire prévaloir une compréhension raisonnée de ce qui est sur les aléas de l’imagination ? Ou bien peut-on penser qu’il existe un lien profond et énigmatique entre le soi humain et l’espoir ? Comment comprendre en effet que, même dans des situations terribles, l’espoir déserte rarement tout à fait le cœur humain ? Pourquoi cette insistance de l’espoir à surprendre jusqu’aux partisans d’une lucidité qui le récuse ?
Qu’il soit fondé sur le rêve ou sur l’action qui ouvrent des possibilités là où la nécessité semble devoir faire loi, que la raison lui donne un sens, ou encore qu’il dépende, comme dans la Bible, d’une promesse qui oriente l’histoire, l’espoir est toujours à l’épreuve dans nos vies privées et collectives. Espérer suppose en effet un combat spirituel contre la tentation du désespoir face au tragique et l’exercice d’une grande et quotidienne patience pour « réparer » les souffrances du monde, comme l’enseigne la mystique juive. Mais espérer l’inespéré ne se mesure pas à nos seuls efforts, c’est aussi, ultimement, garder confiance en la Promesse : de la chute ultime nous serons relevés.
Catherine Chalier est philosophe, spécialiste du judaïsme. Elle a notamment publié : Spinoza lecteur de Maïmonide, la question théologico-politique (Cerf, 2006), T ransmettre, de génération en génération (Buchet-Chastel, 2008), La Nuit, le Jour (Seuil, 2009, prix des Écrivains croyants), Le Désir de conversion (Seuil, 2011), Kalonymus Shapiro, rabbin au ghetto de Varsovie (Arfuyen, 2011).