L'égalité, la laïcité, l'Etat républicain - peu de groupes professionnels semblent aussi liés que les instituteurs à ces thèmes fondateurs de la mémoire nationale. Mais ce groupe fut également une figure de l'ordre, et demeure aujourd'hui encore en position ambiguë, pris entre les contraintes de sa position institutionnelle et les valeurs au nom desquelles il exerce sa fonction, entre sa propension au repli corporatif et son inclination à l'universalisme.
Pour comprendre comment l'identité de cette profession s'est constituée et comment elle tend actuellement à se reconstruire, Bertrand Geay analyse successivement les caractéristiques biographiques des maîtres et les principes enfouis au sein de l'institution primaire ; il examine les définitions de l'instituteur que tendent à imposer les autres groupes sociaux ainsi que la façon dont les maîtres eux-mêmes contribuent à la construction de leur identité. Le syndicalisme apparaît à la fois comme l'expression des visions du monde propres à cet univers professionnel et comme une action structurante dont les effets ne sont totalement visibles qu'à l'échelle historique.
Au moment où de nouvelles valeurs, issues du monde économique, tendent à inspirer les «cadres» de l'institution scolaire, et où le groupe se recompose - en particulier avec le recrutement de «professeurs des écoles» -, ce livre permet de porter un regard profondément renouvelé sur une profession placée, depuis ses origines, au centre des contradictions qui traversent notre société.