Durant l’année universitaire 1969-1970, Jacques Derrida consacre un séminaire au problème des rapports entre la psychanalyse et la critique littéraire. Ce séminaire, l’un des rares à traiter de l’esthétique freudienne, est l’occasion pour Derrida d’analyser ce qu’il appelle la « première doctrine » de Freud, à savoir sa théorie marquée par la toute-puissance du plaisir.
Or, avec l’introduction par Freud de la catégorie du double et ses spéculations sur la pulsion de mort, tout change ou aurait dû changer, d’après Derrida. La remise en question de la toute-puissance du principe de plaisir dans Au-delà du principe de plaisir (1920) aurait dû conduire à une refonte, à une réorganisation, à un déplacement de la « poétique » psychanalytique. Pourtant il n’en est rien : d’où, selon Derrida, un certain boitement de la théorie freudienne de l’art et de la littérature et de tout ce qui en dépend ou y fait retour.
Ce boitement va se répéter dans la critique littéraire d’inspiration psychanalytique. Qu’il s’agisse de la psychanalyse de l’imagination matérielle de Bachelard, la psychanalyse existentielle de Sartre ou la méthode psychocritique de Mauron, Derrida constate que rien n’a changé. C’est seulement avec Lacan, à la toute fin du séminaire, que se produit un tournant décisif, la psychanalyse reconnaissant l’instance proprement signifiante du texte littéraire, qu’elle avait largement négligée jusqu’ici.
Psychanalyse et critique littéraire propose ainsi un contexte (littéraire) fascinant et déterminant pour le travail ultérieur de Derrida sur la psychanalyse.