Décembre 1977 : les relations franco-argentines sont en crise à la suite de l’assassinat des deux religieuses françaises proches des mères des disparus. La visite de Daniel Barenboïm et de l’Orchestre de Paris à Buenos Aires en juillet 1980 pose la question du pouvoir critique des musiciens face à cette dictature féroce.
Au Teatro Colón, la Cinquième Symphonie de Gustav Mahler, qui s’ouvre sur la Trauermarsch – une gigantesque marche funèbre, où Adorno avait entendu « un cri d’effroi devant pire que la mort » –, fut suivie d’une ovation interminable en l’honneur des musiciens français et de leur chef israélo-argentin, de retour dans sa ville natale après vingt années d’absence. Mais comment l’interpréter ?
Trente-six ans plus tard, Esteban Buch propose un essai sur les significations politiques de la musique où l’auteur devient acteur de son propre récit :
« J’y associe l’histoire de ma famille errant entre les nazis et les militaires latino-américains, et une réflexion sur le rôle des arts dans le comportement des élites argentines pendant la dictature. Ce parcours entre histoire et mémoire débouche sur une discussion théorique du concept de résistance et ses variantes – dissidence, dissensus, protestation, opposition, négativité, critique –, qui souligne le plus petit dénominateur commun à tous, le mot non.»
Nourri de musicologie, de sciences sociales et de littérature, ce livre retrace une énigme musicale au cœur d’une Argentine devenue le théâtre silencieux d’un des crimes majeurs du xxe siècle.