Cioran (1911-1995) laisse une œuvre unique par la richesse de la pensée, par cette sorte de tentative désespérée pour renforcer à coup d’aphorismes et de prophéties le club toujours suspect des pessimistes.
Docteur ès gabegie, dépossédé de son pays et de sa langue, Cioran – sujet roumain devenu grand écrivain français – n’a pas écrit des pages issues d’une expérience abstraite, mais d’une vie ardemment déchirée entre puissance de l’ombre et pressentiment du divin.
De cette lutte contre soi est née une œuvre noire, mais qui irradie et console ; une œuvre féconde qui, loin d’être un code de l’agonie ou un culte du malheur, appareille la joie et la douleur.
Une œuvre qui correspond à la définition des « éjaculations mystiques » selon Littré : « Prières courtes et ferventes qui se prononcent à quelque occasion passagère, comme si elles se jetaient vers le ciel. »
Stéphane Barsacq est écrivain. Parmi ses derniers livres, Simone Weil, Le Ravissement de la raison (Seuil, « Points Sagesses », 2009) et Johannes Brahms (Actes Sud, 2008).