Par une sombre après-midi d’hiver, en 1764, dans la ville paisible d’Angoulême, 83 personnes se réunissent pour signer un contrat prénuptial pour la fille d’une certaine Marie Aymard, une veuve illettrée. Ce même nom apparaît sur une procuration concernant les biens de son défunt mari, un menuisier parti travailler sur l’île de Grenade. Deux documents conservés dans les archives : voilà tout ce qu’il reste de son existence. C’est peu au regard de l’épaisseur d’une vie, mais, pour qui sait les lire attentivement, ce point de départ est suffisant pour essayer d’écrire l’histoire de Marie et de ses descendants. Emma Rothschild se lance dans l’aventure et plonge le lecteur dans une enquête historique de grande ampleur, sur cinq générations.
Les membres de l’obscure famille Aymard n’ont laissé derrière eux presque aucune lettre personnelle. Certains ont voyagé jusqu’en Syrie, au Mexique et à Tahiti, d’autres sont restés à Angoulême. Leurs fortunes sont diverses : à la dernière génération, celle que l’on suit jusqu’en 1906, on trouve une couturière impécunieuse demeurant à Paris, et le cardinal Lavigerie, archevêque d’Alger.
Qu’est-ce que le destin d’une famille ordinaire peut nous dire sur les mobilités sociales et les mutations économiques d’un long XIXe siècle ? Beaucoup, c’est le pari des romanciers. C’est aussi celui que relève avec brio Emma Rothschild, en historienne.
Emma Rothschild est professeur d’histoire, titulaire de la chaire Jeremy and Jane Knowles à Harvard. Elle y dirige le Center for History and Economics. On compte parmi ses ouvrages Economic Sentiments: Adam Smith, Condorcet and the Enlightenment (Harvard University Press, 2001) et The Inner Life of Empires (Princeton University Press, 2011).
Traduit de l'anglais par Johanna Blayac