Mobilisé en août 1914, Robert Hertz a entretenu avec sa femme Alice une correspondance quotidienne où se lit la flamme d’un engagement sans limites. Pour se hisser à la hauteur de son idéal patriotique, Robert se porte volontaire afin de quitter sa première affectation, éloignée des combats, et rejoindre le front, où il trouve la mort quelques semaines plus tard. La guerre de ce jeune sociologue – l’élève préféré de Durkheim – n’aura duré que huit mois.
Les pages de ce livre constituent une longue promenade à travers la forêt de mots fébrilement jetés sur le papier par Robert et Alice Hertz. Elles donnent à lire le pas de deux d’un sacrifice, la fabrique épistolaire d’un martyre. « Aimée, ne crois pas que je gémis et que je doute. J’irai jusqu’au bout, si long que soit le chemin », écrit Robert fin octobre 1914. Un mois avant d’être tué encore, le serment est répété : « Nous avons fait vœu d’aller jusqu’au bout. Ce sera encore très long, très dur. » La correspondance creuse un tourbillon de « si je ne reviens pas… »
Cette radicalisation intime est le cœur même du livre : il s’agit de tenter de comprendre pourquoi, à chaque fois qu’il reçoit une mise en garde, Robert passe outre et choisit de franchir un pas supplémentaire dans l’engagement sans retour. Il s’agit de prendre à bras-le-corps ce que veut dire « mourir pour des idées ».
N. M.
Sociologue et historien, Nicolas Mariot est directeur de recherches au CNRS. Il a notamment publié Tous unis dans la tranchée ? 1914-1918, les intellectuels rencontrent le peuple (Seuil, 2013 et « Points Histoire, 2017 ; prix Lucien Febvre 2014) et, avec Claire Zalc, Face à la persécution. 991 Juifs dans la guerre (Odile Jacob, 2010).