Accroché à mon père, la tête enfouie dans son dos, je sens la chaleur de nos corps par-delà nos manteaux. Le bruit du moteur de la Vespa, le froid qui pique les yeux. Les yeux qui voient la rue telle qu'elle est certains matins d'hiver, blanche et glissante. Puis se ferment. Pas pour dormir, mais pour arrêter l'instant, retourner dans le ventre de son père, garder l'image en soi, comme une référence, un mode d'emploi pour restituer ce sentiment de bonheur. Mais tout défile à l'extérieur, tout avance et tout bouge, les roues de la Vespa sur les pavés brillants, la grande aiguille de l'horloge de l'usine Amora qui frise la demie alors que la petite a empalé le huit. Tout avance et tout bouge, même mon cœur se soulève, tout chahuté par le mélange des odeurs de moutarde et de chocolat qui s'échappent des usines que nous croisons. Et puis, au loin, la menace sombre des hauts murs de Saint-Stanislas.
Non, je n'avais pas rêvé, c'était bien à cette école que nous allions.