La Grande Guerre a cent ans. On annonce une déferlante éditoriale, des dizaines d’expositions et d’initiatives locales. D’où naît, au-delà du consensus mémoriel, l’envie de poser une question simple : pour quoi faire ? Faut-il se satisfaire de communier après coup avec les souffrances des combattants, perçus essentiellement comme des victimes ? Quel lien établir avec cette Grande Guerre vieille d’un siècle, alors que le pays d’aujourd’hui a tant changé par rapport à celui de la Belle Époque ? Plus d’armée de conscription, mais une armée de métier ; un nationalisme et un patriotisme devenus souvent si incompréhensibles qu’on célèbre plus volontiers les fusillés et les mutinés que les combattants ordinaires ; des femmes qui ont le droit de voter et de porter les armes ; une décolonisation qui a pratiquement ramené la France aux dimensions de la métropole.
À la lumière de son expérience de président de la Mission du Bicentenaire de la Révolution, de responsable politique et d’expert en « concordances des temps », Jean-Noël Jeanneney nous aide à considérer les enjeux civiques et politiques de ce Centenaire. Quelles valeurs et quels symboles pouvons-nous partager ? Une commémoration peut-elle fournir l’occasion de renforcer la communauté nationale ? Se souvenir permet-il de mieux réfléchir au futur ?
Professeur émérite des universités à l’Institut d’études politiques de Paris, Jean-Noël Jeanneney a exercé de nombreuses responsabilités dans le domaine de la culture et de la communication. Il produit, chaque samedi, l’émission « Concordance des temps » sur France Culture. Il vient de publier au Seuil L’Histoire, la liberté, l’action. Œuvres 1977-2013 (« Opus »).