L’expérience de la Seconde Guerre mondiale, contrairement à la Première, ne fut que marginalement celle d’un conflit armé : elle fut bien davantage marquée par l’Occupation, le joug du régime vichyste et les persécutions qui frappèrent juifs et opposants politiques. La mythologie gaulliste s’efforça de masquer ce lourd héritage en favorisant le récit d’une France militairement dressée contre l’Allemagne – son ennemi historique.
Cette représentation unificatrice ne put cependant résister à la montée des divisions. À partir des années soixante-dix, les victimes prennent le pas sur les héros. Depuis longtemps déjà, la reconnaissance des différentes catégories de victimes avait posé problème à la puissance publique, qui s’efforça pourtant d’élaborer des statuts, d’imposer un calendrier commémoratif, de créer des musées… Mais c’est surtout la lente prise de conscience de ce qu’avaient été la France de Vichy et la Shoah qui modifia substantiellement la représentation des années sombres et rouvrit de profondes blessures. Loin de conduire à une lecture pacifiée de cette période, ce processus de désarmement de la mémoire contribua à la « balkaniser », interdisant de considérer la mémoire de la Seconde Guerre mondiale comme l’armature civique d’une France régénérée et à jamais débarrassée d’un passé complexe et assurément pesant.
Professeur des universités à l’École Normale Supérieure de Cachan, Olivier Wieviorka a notamment publié Une certaine idée de la Résistance. Défense de la France (1940-1949) (Seuil, 1995), LesOrphelins de la République. Itinéraire des députés et sénateurs français. 1940-1945 (Seuil, 2001), ainsi qu’une Histoire du Débarquement (Seuil, 2007, « Points-histoire », 2010).
« Pour les historiens, comment a été traitée la mémoire de la seconde guerre mondiale par les divers gouvernements français. » Lire plus